Dumazedier : du loisir au développement culturel
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Lors de l’événement « Balade à travers le temps – Florilège de propositions culturelles pour repolitiser le temps libre », organisé pour les 80 ans de Peuple et Culture à Grenoble en avril 2025, Guy Saez a évoqué la sociologie du loisir et l’œuvre de Joffre Dumazedier. Il souligne d’emblée la complexité d’un champ aujourd’hui dispersé en sociologie de la culture, du sport ou des cultural studies, alors que Dumazedier avait su en proposer une vision synthétique à l’aube de la « civilisation des loisirs ». Pour échapper à cette fragmentation, Dumazedier a élaboré des conceptualisations, comme le développement culturel ou la société éducative, qui ont marqué l’histoire du mouvement.
Guy Saez rappelle que Dumazedier, dès le rapport de novembre 1944 pour la commission Culture du comité de libération de l’Isère, posait un objectif clair : « opérer le travail de synthèse indispensable à la création d’une culture nouvelle pour un peuple nouveau ». Cette ambition s’incarnait dans un « humanisme révolutionnaire », mêlant héritage républicain et modernité, où « la Révolution doit être portée dans l’homme lui-même ». Le Manifeste de Peuple et Culture de 1945 insistait sur la nécessité de « libérer en chacun le pouvoir de création », une idée qui résonne encore aujourd’hui.
À travers l’exemple du « prototype grenoblois », Dumazedier a montré comment les loisirs populaires pouvaient devenir un levier de transformation sociale, intégrant « l’entrée dans l’ère des masses, la culture de la jeunesse et l’emprise de la technique ». Sa pensée, nourrie par l’expérience de l’École d’Uriage et des « militants d’éducation populaire », refusait de réduire la culture aux Beaux-arts : elle devait être un « art de s’exprimer et un art de vivre », accessible à tous.
La notion de développement culturel, théorisée dans les années 1960, est au cœur de cette démarche. Dumazedier y voyait « l’axe majeur d’une politique éducative et d’une recherche sociologique ». Pour lui, « de déterminé, le loisir devient déterminant » (Roger Sue), anticipant le « tournant culturel » des décennies suivantes. Cette approche, « entre planificateur, animateur et sociologue », a inspiré le Service d’Étude et Recherche d’André Girard au ministère des Affaires culturelles, ainsi que les Rencontres d’Avignon et le colloque de Bourges en 1964, où le développement culturel fut érigé en « concept opératoire » pour une politique publique ambitieuse.
Enfin, Guy Saez revient sur la tension entre Dumazedier et Bourdieu : là où ce dernier analysait les « phénomènes de reproduction du conservatisme », Dumazedier appelait à étudier « la dynamique de toutes les forces de résistance, de changement, même limité, des situations d’injustice ». Une invitation à « créer aujourd’hui un meilleur champ des possibles », qui reste d’une brûlante actualité.
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